JEAN-LOUIS PONS : La haine,...excite les disputes, mais l\'amour couvre toutes les transgression

 JEAN-LOUIS   PONS  : La haine,...excite les disputes, mais l\'amour couvre toutes les transgression

FICHUE MALADIE

FICHUE   MALADIE

 

 

Traître, lâche ; jamais on ne la voit venir !

 

Jadis, lorsqu’elle m’était encore inconnue, je la dédaignais. Elle n’avait pas de réalité concrète et n’était à mes yeux qu’un prétexte pour certains… Des profiteurs ! Pensais-je idiotement.

Comment peut-on y croire sincèrement ? Un jour tout va bien et le lendemain, curieusement à l’opposé ?

Il est vrai qu’avec les progrès de la science, le paramédical a pris une nouvelle ampleur ; et les découvertes du « moi » interne sont enfin reconnues : abattement, accablement, découragement, mélancolie, neurasthénie, spleen, alanguissement, tristesse, torpeur.

Que de synonymes pour cette saleté ! Et en plus, il en existent plusieurs sortes. Pas besoin de les citer car mon but n’est pas de faire un dossier ; il y a suffisamment de documentation à son sujet.

 

Juste mon expérience, avec mes mots :

 

Sois Fort ! Disent tous ceux qui m’ont connu avant. Leur empathie est réelle, mais souvent leur connaissance est nulle ; et compréhensible.

Je me souviens la première fois où j’ai vu ma femme en être accablée : En fin de compte, je ne voyais rien. J’avais le sentiment sincère d’une réelle imposture : Ma propre femme, une « carotteuse » … Bah, si les services sociaux sont suffisamment débiles pour accepter de payer des gens à ne rien faire, pourquoi ne pas en profiter ? Mais surtout, qu’elle ne joue pas son jeu avec moi !

Début de nos griefs. Mari innocent, et stupide au point de penser tout savoir. Elle est la même, me disais-je ! Et en plus, elle ne peut pas me décrire exactement ce qu’elle a ?

Elle est capable de faire son ménage, ses commissions, de s’occuper des enfants, de rire avec les proches qui nous rendent visite, mais pas de travailler ? Foutaises !

 

Depuis que j’ai fini mon service militaire, j’ai eu plusieurs emplois. Non pas que je sois instable, quoique… Mais toujours pour un mieux,  financier. Mes absences pour raisons médicales sont extrêmement rares et toujours justifiées.

J’ai été élevé dans l’idée que le chômage est pour les « autres » et quand on veut, on peut ! Ma mère et ma sœur, sont pour moi des exemples de ténacité, d’honnêteté, de rigueur. Des modèles par excellence. Ce n’est pas un peu de température qui les aurait empêchées d’aller au travail. Nous ne voulons pas de profiteur au sein de la famille. Et bien sur, tout cela fait parti d’une éducation donnée avec amour et exemple concret.

 

Comme beaucoup de mes contemporains, la période estudiantine a fait place aux responsabilités de couple : Maison, enfants, factures, mariage, divorce, remariage, enfant, factures, problèmes… encore et encore. D’un gabarit assez costaud, la nature m’a particulièrement bien aidée. Mais ce à quoi je ne m’attendais pas : c’est arriver un jour à ne plus pouvoir porter la charge de mes problèmes ?

Je ne me suis pas rendu compte que pendant des années, je tirais un boulet derrière moi…

Je suis fort ! Pensais-je ; je m’épuisais.

Tout a une solution, plaie d’argent n’est pas mortelle, t’inquiètes pas tu auras tes enfants tous les deux week-end… Bêtises, méchancetés et injustices ont eu raison de mon « moi » interne :

 

Un matin comme tant d’autre, alors que je roulais en direction de mon travail, des larmes… je pleurais ? Il n’y avait aucune raison apparente, si ce n’est la crainte de voir un de mes « collègues » qui avait été nommé à un poste supérieur. Je travaillais alors dans une organisation mondiale dont je ne citerai pas le nom où les salaires mirobolants et non justifiés sont rois.

Afin de participer au « système » qui voulait éliminer un maximum de postes fixes; toujours au profit d’un petit nombre,  et si possible sans trop dépenser, il (mon « collègue ») cautionna quelques injustices et faussetés contre moi. Ayant été prévoyant, ils n’ont pas pu « m’avoir » pour faute grave, mais n’ayant pas de contrat indéterminé, ils ne l’ont pas renouvelé comme ils me l’avaient fait miroiter quatre ans auparavant.

Pourquoi ces larmes ? Plus j’avançais et plus je voyais le visage de ce « collègue » : Colère, rage, hargne. J’ai eu peur… Peur de moi ! Non seulement, il n’avait aucune chance face à moi, mais dans mon état, j’aurais été capable de mettre mon pied sous le sien comme prétexte à… l’abattre, le démolir, lui défoncer le portrait, lui faire mal !

Que m’arrivait-il ? Non pas que je sois un ange, mais sans avoir la peur de l’homme, je ne suis pas un provocateur. Et à ce moment précis, je me sentais comme une bombe prête à exploser ; pire, je voulais exploser !

Je me suis arrêté au bord de la route, je tremblais. Qui étais-je devenu ? Je sais que je suis un sentimental et les larmes font partis  de mon quotidien, mais c’étaient des larmes de haine !

Nous sommes tous différents face à la vie et chacun de nous témoigne de manière différente nos états d’âme. Les larmes de colère sont pour moi un signal d’alarme d’un danger imminent ; je devais donc agir dans ce sens : Demi tour, direction docteur.

Ce qui au départ sembla être une « petite » crise de nerfs avec pour thérapie, deux semaines de repos et calmants à la clef est aujourd’hui, quelques années plus tard LA dépression continue.

Moi, dépressif ? Vous me l’auriez dit il y a quelques années, je vous aurais ri au nez.

Il est évident que je ne vous aie parlé que de la petite goutte (le collègue) qui a fait déborder le vase, car la succession des problèmes croissants jours après jours fut l’édifice de cette saleté.

Il m’a fallu, deux ans, presque 50 kilos en plus, un « pétage » de plomb avec tentative de …grosse bêtise, hospitalisation, pour accepter et reconnaître ma maladie.

Tous les jours sont un combat où il faut se donner des raisons de rester ferme et déterminer à vivre. Et oui, même la mort semble être une douce solution. Lâcheté, fuite, facilité, … ?

 

Je pourrais aussi bien jouer le rôle du procureur que de l’avocat :

 

-         Proc : Enfin, tu as un toit, une chouette femme, une petite fille adorable qui vaut tous les efforts possibles. Bien que financièrement limités, vos factures sont payées et vous n’avez pas de dette. Vous avez la chance d’avoir autour de vous des amis proches et en or, présents et sincères. Que te faut-il de plus pour guérir ?

-         Avocat : … après le détail des problèmes réels existants (dont il n’est pas utile d’en connaître les détails) : Comment peut-il être serein dans de telles conditions ?

-         Proc : Tous ces médicaments (antidépresseur, anxiolytiques, calmants,…) quotidiens, ne font-ils pas plus de mal que de bien ?

-         Avocat : Il est évident qu’ils ont tous des effets secondaires, mais sans eux il y a danger. Donc il faut choisir le moindre des maux.

-         Proc : A prendre ainsi toutes ces substances chimiques, ne risque-t-il pas une accoutumance voire un rejet de l’effet recherché ?

-         Avocat : C’est pour cela qu’il voit un spécialiste (Neuropsychiatre) régulièrement afin d’adapter son traitement en fonction du moment.

-         Proc : Alors pourquoi y a-t-il rechute si souvent ?

-         Avocat : La résolution des problèmes auxquels il doit faire face est indépendante de sa volonté. Cela accroît la tension existante ainsi que l’intensité de la maladie.

-         Proc : De nos jours, tout le monde a des problèmes et il n’est pas le moins bien loti ; pourtant tous ne prennent pas de médicaments. Sans parler des pays pauvres qui sont privé de tout !

-         Avocat : C’est vrai et il en est conscient, ce qui accentue son sentiment de culpabilité. Dans nos pays à facilité où le régime social permet d’éviter l’indigence, il n’est pas facile de mettre sa fierté de coté et accepter d’être une charge. Avez-vous pensé ce que peut ressentir un homme qui voit sa femme se lever pour aller travailler et lui rester à la maison ? Oh, bien sur, il est devenu le parfait homme de maison : Ménage, lessive, repassage,…Et son allocation lui permet de participer financièrement aux factures communes ; mais sans elle, ils ne mangeraient pas !

-         Proc : Alors, il n’est pas dans une si mauvaise situation : Bien des femmes la connaisse sans jamais se plaindre !

-         Avocat : Objection votre honneur, coup bas : Un point pour la partie adverse et un prozak pour mon client !  Il est évident qu’il ne dénigre pas le fait d’être l’homme de  maison, c’est un travail à temps plein également et trop peu souvent reconnu dans notre société machiste. C’est d’ailleurs un des points positifs qu’il en tire. Cela lui permet quotidiennement de prendre conscience de la valeur de « la femme au foyer ». Mais sa maladie l’accable à un tel point qu’il peut sembler aller bien pendant plusieurs heures et passer les jours suivants complètement renfermé… Peur de lui, de ce qu’il a été et de ce qu’il pourrait redevenir : un danger !

-         Proc : Ne faudrait-il pas l’enfermer quelques temps afin de le prendre en charge une fois pour toutes ?

-         Avocat : Cela a déjà été fait quand il a « disjoncté » il y a un an. Il y a même pensé dernièrement comme étant peut-être une solution. Mais bien vite, il s’est rendu compte que ce serait une plus grande fuite d’aller quelques jours à l’hôpital ; facilité et égoïsme. Il se doit d’être avec sa famille envers et contre tout.

-         Proc : Ne venez-vous pas de dire qu’il pourrait être un danger ?

-         Avocat : Oui, je l’ai dis ! Êtes-vous sur qu’aucun des membres de votre famille ne peut être atteint de dépression ?

-         Proc : Objection votre honneur, il ne s’agit en aucun cas d’une autre personne que celle citée…

-         Avocat : Simple démonstration que personne n’est à l’abris de cette maladie ! Mon client suit son traitement rigoureusement et nous explique ses ressentiments afin d’en savoir plus sur ce mal qui peut « tomber » sur n’importe qui. En nous livrant ses sentiments les plus intimes liés à cette maladie, il se met en danger face à ceux qui l’écoutent. C’est pour cela que je demanderai à chacun de faire preuve d’empathie car ce n’est qu’ainsi que nous pourrons réellement avancer et peut être comprendre SON mal.

-         Proc : SON mal ? Il n’est pas le seul à connaître la dépression et il y a des cas beaucoup plus graves que le sien…

-         Avocat : Vous avez entièrement raison, mais chaque cas est un cas unique. Il y a des classifications, mais les causes à effets sont toujours différentes. Même quand des similitudes sont flagrantes, la thérapie peut différer totalement d’un patient à l’autre car chacun réagit différemment aux médicaments. Il est même très rare de trouver le bon dosage car cette maladie évolue en fonction de la situation du moment. Elle peut parfaitement stagner pendant quelques jours voire des semaine et réapparaître sans aucune prévention.

-         Proc : Il n’y a donc aucune solution ?

-         Avocat : Si, la première est d’accepter son mal et surtout les conséquences qu’il engendre. Cette étape, mon client l’a déjà passée ; mais elle n’enlève pas le malaise quotidien, le sentiment d’inutilité, la susceptibilité surtout envers ses proches, l’envie de mourir…

-         Proc : Que faut-il donc pour qu’il aille mieux ?

-         Avocat : … Telle est la question ?

 

 

Certains pensent que toucher le fond a l’avantage qu’on ne peux que remonter ; mais avec cette f… maladie, ce n’est pas comme à la piscine où le manque d’air et une bonne poussette dans le fond nous renvoie vers le haut. Même quand tout semble aller, on est parfois encore dans le fond. Et il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir.

Rien ne sert de plaindre un dépressif si son cas ne nous intéresse pas car il a beaucoup de détails à vomir. Et son cas est toujours le pire, même s’il est milliardaire… raison de plus, les moins favorisés.

Certains sont introvertis, d’autres ont le verbe facile, mais tous souffrent.

Comme ce que l’on apprend en vente : « ce n’est pas ce qu’on dit qui est important, mais ce que l’autre comprend. »

 

Parfois, je m’imagine au fond d’un profond puit sec, allongé sur le dos. Cette longue colonne sombre qui se termine au cercle de lumière situé au sommet me semble une protection inviolable. De temps en temps, des têtes tentent de percevoir le fond sans me remarquer tant l’obscurité me protège. Certains, sachant où me trouver m’envoient une corde en criant de m’y agripper ; elle vient vers moi tel un serpent qui veut sa proie ! Mon cœur bat et bat, si fort que je le presse de peur d’être entendu et secouru contre ma volonté. Je ne réponds pas à leurs sollicitations, je fais le mort. Dans le fond, je ne suis pas si mal, je suis même bien dans le fond : C’est si profond que personne n’ose descendre. Comment suis-je arrivé ici ? Je n’en sais rien, mais si j’étais en haut, j’avoue que cette pénombre me semblerait repoussante.

Oui, je le touche le fond, ce fichu fond qui effraie tant. C’est étrange, il me semble bienfaiteur : je me sens serein ; rien ne peut m’atteindre. Je suis seul et j’y suis bien. Je sais qu’en haut il y a tous ceux qui m’aiment et ceux qui ont besoin de moi…

Rester allongé, le regard fixé vers le haut. Voir sans être vu. Refuser la réalité, fuir en restant sur place.

Même le « papa » que j’entends en voyant la jolie frimousse de ma Nanou n’a que peu d’effet sur ma volonté, annihilée par cette sensation de bien-être que de n’être nulle part, mais si bien. Pour elle, mon sang, je lève la main vers le « serpent », mais lâchement je lui crie de retourner prés de sa mère et je reprends ma position de méditation. Elle est en sécurité loin de moi. Quant à mon épouse, lasse, elle tente également une dernière tentative pour me faire sortir de mon trou. Rien en moi ne le veut, mais elle a toujours été là… Je lui dois de lui montrer qu’elle est unique : J’attrape la corde et me laisse remonter lentement jusqu’à son joli visage souriant. Elle m’accueille d’un tendre baiser et nous rentrons chez nous.

Avant d’entrer, je me retourne vers mon puit : « A bientôt » lui dis-je.

 

MOA



24/09/2007
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